Le Renard et l'Enfant by Reynaud Florence

Auteur:Reynaud,Florence [Reynaud,Florence]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
Éditeur: Hachette Roman
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

6

Ma chute s’est terminée au creux d’un nid de pierre en forme d’entonnoir. J’aurais pu me faire très mal ; je n’étais qu’endolorie, mon dos, mes bras, mes genoux. Je me demandais où j’avais atterri... Un clapotis, tout proche, m’a fait sursauter. Il devait y avoir une mare. Malgré l’obscurité, j’ai cru deviner les yeux globuleux d’un énorme crapaud. La nuit m’entourait, une nuit noire pleine de menaces. Mieux valait me rouler en boule comme ma renarde, ne pas bouger. J’avais eu peur dans la grotte, mais là, j’avais encore plus peur. Je ne m’étais jamais retrouvée seule la nuit dans la montagne.

En cherchant si j’avais toujours ma besace, mes doigts ont touché une bestiole à la peau froide. Je n’ai même pas osé crier. À tâtons, j’ai ouvert mon sac pour prendre mes allumettes, mais j’ai renversé la boîte...

Les larmes aux yeux, j’ai pu en récupérer quelques-unes. Quel soulagement de voir briller la frêle flamme dorée ! Quant à la fameuse bête, c’était une salamandre au corps luisant, très noir et taché de jaune vif, qui déambulait sans hâte.

L’allumette s’est éteinte. Je suis restée immobile, le souffle suspendu. La nuit me paraissait intense, le silence d’une profondeur étrange. Des étoiles scintillaient dans le ciel. Je les regardais obstinément, comme si elles avaient le pouvoir de me protéger. Le monde interdit m’avait prise au piège.

Soudain, j’ai entendu des pas. Un animal approchait. Des brindilles craquaient, des feuilles mortes bruissaient. Vite, une autre allumette... Je ne voyais rien, mais les pas s’étaient arrêtés.

À peine le noir revenu, les pas ont résonné de nouveau. L’animal rôdait, il venait vers moi lentement. Et d’autres menus bruits naissaient de la nuit, des crissements, des chuintements, des grattements. J’avais l’impression d’être cernée par toutes les créatures de la forêt, devenues hostiles... Un hululement lugubre a retenti dans un arbre, suivi d’un puissant battement d’ailes. Un hibou grand-duc a survolé ma cachette ! J’ai hurlé de frayeur, à bout de résistance.

Ce n’est pas un oiseau dangereux, pourtant, mais une petite fille de neuf ans, perdue dans un coin de forêt inconnu, n’arrive plus à raisonner. Et puis les bruits ne faisaient que croître, des pas, des respirations. Alors, à tâtons, j’ai commencé à ramasser des pierres. J’allais dresser un rempart contre les ennemis invisibles qui s’agitaient autour de moi. Les galets avaient déjà servi d’armes aux hommes préhistoriques : j’en lançais au hasard. Cela ne servait à rien. Les pas, les crissements, les grattements rampaient vers moi.

Je me suis recroquevillée sur le sol, en cachant mon visage de mes bras repliés, en me bouchant les oreilles du mieux que je pouvais. C’était une façon de m’enfuir, de devenir invisible à mon tour. Je ne voulais plus rien voir, plus rien entendre.

Dans les branches au-dessus de ma tête, les bêtes des bois ont dû continuer à se promener : loirs, lérots, martres, hiboux et chats sauvages. Peut-être bien qu’ils m’observaient, intrigués.

Peu à peu une clarté très douce a inondé mon refuge, le tronc des arbres, les jeunes feuilles.

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